Après Britannicus à la Comédie-Française en 2016, et Iphigénie aux Ateliers Berthier en 2020, c’est la troisième fois que Stéphane Braunschweig met en scène Racine. À nouveau, il s’intéresse à la façon dont ses tragédies installent les crises passionnelles au bord de bascules historiques : dans Britannicus, l’avènement de la tyrannie de Néron, dans Iphigénie, le déclenchement de la guerre de Troie ; et dans Andromaque, non la paix après la victoire des Grecs sur les Troyens, mais une après-guerre instable, qui semble pouvoir retourner au chaos à tout moment. Depuis sa création triomphale en 1667, cette pièce d’un jeune auteur de vingt-huit ans est célèbre par la chaîne d’amours impossibles, non réciproques, qui est son intrigue. Mais cette impasse dévorante, se demande Stéphane Braunschweig, n’est-elle pas liée aussi à ce que sont tous ces personnages, qu’ils soient vainqueurs ou vaincus : des survivants, déjà dévastés par l’horreur qu’ils ont traversée ? Il voit Andromaque comme une pièce post-traumatique, dont les héros marchent dans le sang, sur une crête, entre résilience et retour d’une violence sans frein : Pyrrhus, fils d’Achille, rêve d’une guerre totale contre son propre camp, pour obtenir Andromaque ; Oreste, ambassadeur, a pour mandat l’assassinat d’un enfant, héritier du trône de Troie ; Hermione, fille d’Hélène, ne recule pas devant le meurtre. Après Comme tu me veux de Pirandello, pièce hantée par la Grande Guerre, Stéphane Braunschweig met à nouveau en scène des identités saccagées par l’histoire.