Nénesse, la pièce, est une farce politique, ou plutôt "anthropologique" dirait Aziz Chouaki, centrée autour du personnage dont elle porte le nom. Ce Nénesse est un ancien rockeur de campagne, ancien légionnaire qui se retrouve au chômage suite à un problème de santé (AVC). Il est islamophobe, homophobe, antisémite, se définit comme "réactionnaire radical" tout en se défendant de pouvoir être tenté par le Front National !
Sa femme, Gina, jadis amoureuse de lui se voit condamnée à des petits boulots pour tenter d'assurer le quotidien du ménage. Pour survivre le couple a trouvé comme solution d'installer dans leur appartement une cabine Algeco qu'ils sous-louent à deux sans-papiers. Le premier, un migrant d'origine slave du nom de Goran, ancien boxeur et entraineur de Daech, musulman pacifiste en route pour Calais, qui affiche un mépris absolu pour les islamistes. Et le second, Aurélien, ancien employé du Sénat, pétri de culture aujourd'hui "sans-papiers" faute de pouvoir se procurer l'acte de naisance de son père russe ayant fui sous Staline. Les deux aspirent à retrouver des papiers mais pour ce faire doivent posséder des quittances de loyer que bien sûr Nénesse (louant au black) refuse de leur fournir. L'histoire tournera mal.
Mais au-delà de la fable, des personnages mis en jeu, tous "fracassés" du monde contemporain, c'est bien le style d'Aziz Chouaki qui retient mon intérêt et m'impressionne. Tel un Céline de l'algerois, il fait danser la langue, se télescoper les syntaxes, créant un langage singulier qui vient dynamoter la trivialité du quotidien. Pour l'avoir mis en scène à deux reprises (Une virée et Les Coloniaux), l'avoir accompagné sur des projets d'écriture (Esperanza, Don Juan), je peux dire que ses partitions sont un régal pour l'acteur. Et je ne doute pas que ceux ici réunis, forment un quatuor détonant : Olivier Marchal en Nénesse, Hammou Gaïa en Goran (déjà dans Une virée et Les Coloniaux), Geoffroy Thiebaut en Aurélien et Christine Citti en Gina.
Jean-Louis Martinelli