Qu’est-ce que ça veut dire pour moi, en 2017, être israélien ? C’est être profondément inquiet. Je dois même dire tourmenté, triste, attristé. Je suis attaché à ce pays et c’est pour ça que je m’inquiète beaucoup.
Imaginant le plateau comme un lieu d’expériences et de partage, l’artiste israélien Yuval Rozman nous convie à y rencontrer l’Autre, en l’occurrence celui qui est censé être l’« ennemi », à travers un personnage en quête d’identité, pris en otage par le conflit israélo-palestinien mais aussi écartelé entre ses propres désirs et détestations.
Qu’est-ce qu’être Israélien aujourd’hui ? Souvent confronté à cette question depuis son installation en France, Yuval Rozman y répond à sa manière, poétique et politique, avec ce spectacle où, confie-t-il « en tant que représentant privilégié de l’occupation, j’ai voulu briser l’interdit et entrer dans la tête, le corps, la peau d’un occupé ». Prénommé Khalil, ce dernier traverse le tunnel – lieu emblématique où s’entremêlent ombres et lumières, contrebandes et trafics – entre Ramallah et Tel Aviv pour rejoindre cette dernière et ses fêtes, et y faire des rencontres. Entremêlant différentes voix à l’intérieur de ce même personnage, l’auteur et metteur en scène brosse le portrait fragmenté et touchant d’un homme qui affronte deux camps, le sien et celui d’en face, qui l’empêchent de vivre sa sexualité comme il l’entend. Un spectacle à la fois intime et universel, traversé de ruptures dramaturgiques où l’humour, la musique et le chant seront les organes vitaux d’un regard acéré mais généreux sur une terre déchirée. Animé par sa répulsion du nationalisme, Yuval Rozman réussit le défi de créer une pièce politique en passant par l’onirisme pour dresser le tableau complexe de la situation d’Israël aujourd’hui.
Un « tunnel boring machine » est une machine à percer les tunnels. Des tunnels de résistance sont construits en Palestine par le Hamas.