Pour écrire ce spectacle, nous avons décidé d’aller à la rencontre des gens, le plus de gens possible, comme une manière de rompre l’isolement forcé dans lequel nous étions plongés. Pendant six mois, nous avons donc rencontré près de trois cents personnes. Au fil des récits, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait, dans presque chaque histoire qui nous était confiée, la présence d’un mort. Que ce soit un deuil récent ou le fantôme d’un lointain ancêtre, il y avait toujours un mort dont l’ombre planait où l’absence étouffait. En rencontrant ces vivants, on a eu la sensation de rencontrer leurs morts. Où pleurer les morts ? Où parler d’eux ? Où parler de la nôtre, de mort ? Il nous a semblé qu’un lieu manquait. Un lieu où les athées, les rationalistes, les sceptiques, les agnostiques, ceux qui doutent, ceux qui ne savent pas, ceux qui voudraient croire mais n’y parviennent pas pourraient évoquer la mort sans tabou, sans peur ni préjugé. Personne n’a envie d’entendre parler de ça. Et pourtant tout le monde y pense. Parce que c’est la seule chose dont on peut sérieusement dire qu’elle n’arrive pas qu’aux autres.
Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix