Après deux créations participatives menées avec des lycéens primo-arrivants en classe UPE2A, j’ai eu besoin de comprendre ce qu’ils vivaient, et plus précisément la manière dont ils étaient accueillis. Cela me semblait trouble, dispersé, voire opaque pour qui n’a pas appris le jargon bureaucratique et ses sigles énigmatiques. J’ai rencontré des professeurs, des éducateurs spécialisés, des directeurs de centres, des juristes, des avocats, et des employés de l’Aide Sociale à L'enfance. Tous sont aux prises avec des injonctions contraires, oscillant entre déborder les limites légales de leurs métiers et s’y cantonner par souci de protection ou de loyauté. D’un côté comme de l’autre, le sens de leur travail est mis à mal.
Ces paroles recueillies la plupart du temps en off racontent un état du monde politique, celui de la France et de ses contradictions dans l’accueil des mineurs. Elles interrogent la responsabilité de chacun dans ce système, en commençant par ceux qui sont engagés par leur travail. Elles interrogent notre regard sur l’autre, et plus précisément sur l’enfant étranger qu’on n’accueille qu’à titre provisoire.
A partir de ces entretiens, j’ai écrit le monologue d’une femme aux prises avec ces contradictions, mais aussi marquée par des rencontres fortes avec les jeunes gens, au point qu’elle tente de changer le système de l’intérieur. Mais ce système est une immense toile d’araignée. Et sa seule amie dans l’adversité sera une araignée étonnamment ressuscitée dans son bureau de l’aide sociale à l’enfance.
Charlotte Lagrange