Pelléas et Mélisande est un projet pour l’imaginaire, d’une grande force poétique. La dimension politique est là, en filigrane, à l’état de paysage. Pas de surimpression, mais plutôt, en creux, des échos de toutes part. Car l’écriture fonctionne ainsi, en suspension permanente, comme pour laisser la place à ce qui n’est pas dit, laisser résonner ce qui vient d’être dit. Le coeur de l’écriture de Maeterlinck, c’est l’invisible. Ses points de suspension sont comme des abîmes, ils laissent entendre. Sous chaque phrase semble s’exprimer, à l’insu de ceux qui les disent, toute la profondeur de l’existence (si l’on veut bien l’entendre, la voir ou la sentir). Loin de la « petite affaire » ou de la petite histoire, c’est l’histoire d’un amour tragique, la rencontre de deux solitudes, deux êtres qui n’étaient pas voués à se rencontrer ; et l’apparition, dès lors, de leurs relations avec l’inconnu.
MÉLISANDE. – Comme on est seul ici… On n’entend rien.
PELLÉAS. – Il y a toujours un silence extraordinaire… On entendrait dormir l’eau… Voulez-vous vous asseoir au bord du bassin de marbre ? Il y a un tilleul que le soleil ne pénètre jamais…
MÉLISANDE. – Je vais me coucher sur le marbre. – Je voudrais voir le fond de l’eau…
PELLÉAS. – On ne l’a jamais vu. – Elle est peut-être aussi profonde que la mer. – On ne sait d’où elle vient. – Elle vient peut-être du centre de la terre…